Facebook a demandé depuis le 7 janvier à ses utilisateurs de WhatsApp d’accepter ses nouvelles conditions d’utilisation qui permettent d’exploiter plus largement les données personnelles afin de les monétiser. Pour les utilisateurs qui refusent, ils ne pourront plus se servir de l’app dès le 8 février. En février 2014, Facebook a acheté whatsapp pour 19 milliards de dollars. Il est temps d’avoir un retour sur investissement.

Autour de moi (famille, travail, amis), nous utilisons beaucoup cette application. Bref, nous faisons parti des 2 milliards d’utilisateurs. J’ai du mal à expliquer que c’est le moment d’en changer. On me répond :

  • pourquoi ?
  • quels changements et quelles données ?
  • et le RGPD ?
  • quelle alternative ?

chat

Les raisons de ne pas donner ses données à Facebook sont nombreuses. La principale, c’est que Facebook est le pire fournisseur de services sur internet sur la question des données personnelles. Ils récupèrent tout ce qui est possible, comme l’utilisation de votre historique, quels contenus vous intéressent en scrutant votre scrolling, quels sites vous allez voir, hors Facebook, car chaque site qui intègre le bouton like enregistre votre passage, que vous ayez un compte ou pas, ou encore avec les trackers qui sont dans les apps mobiles, même les fœtus sont inscrits sur Facebook (via des applications de suivi de grossesse). Tous vos contenus (photos, vidéos, …) appartiennent à Facebook, ils en font ce qu’ils veulent.

Avec leur nombre d’utilisateurs (2,7 milliards pour fb, 1 milliard pour Instagram et 2 milliards pour WhatsApp), ils ont une influence considérable sur notre société, et plus généralement sur la marche du monde. Cette influence est néfaste. C’est un long sujet en soi (cf quelques exemples ci-dessous), mais vous pouvez revenir sur l’affaire Cambridge Analytica pour voir leur influence sur le Brexit ou l’élection de Trump, leurs positions ambiguës avec les théories conspirationnistes comme QAnon, ceux (entre autres) qui sont allés envahir le Capitole il y a quelques jours à Washington.

Enfin, la quantité colossale d’énergie consommée en faisant tourner des algorithmes d’intelligence artificielle afin de vous cibler au plus fin pour vous afficher de la publicité est aussi un problème écologique. Bref, si vous voulez faire un geste pour la planète au niveau du numérique, c’est un bon choix de s’en séparer.

quels changements et quelles données ?

WhatsApp collecte les données suivantes :

  • les numéros de téléphone de l’utilisateur
  • les numéros des contacts de l’utilisateur
  • les noms de profils
  • les images de profils
  • les images/changement de statut incluant quand l’utilisateur passe en ligne
  • les données de diagnostique en provenance des traces applicatives

Ces données seront désormais partagées avec les autres sociétés de Facebook.

Le pire étant que l’utilisation de ces données reste très opaque, on ne sait pas bien ce que Facebook en fait. Par exemple, est-ce que ces données sont croisées avec leurs trackers contenus dans les applications mobiles ? A quoi servent-elles ? Comment sont-elles monétisées ?

Et le RGPD ?

Dans cet article des personnes de Facebook indiquent ne pas reprendre les données WhatsApp dans l’Union Européenne (sans dire qu’ils ne le feront jamais). Merci le RGPD, merci l’Europe. Donc mes données sont protégées. Cool.

Je ne sais pas pourquoi mais j’arrive pas à me sentir rassuré. D’une part, je n’ai aucune confiance dans cette société, et si elle enfreignait le RGPD bien malin qui pourrait le démontrer (à part un lanceur d’alerte interne ou une enquête bien technique). Rappelons qu’elle a écopé (entre autre) d’une amende de 110 millions d’euros en mai 2018 pour avoir trompé la Communauté Européenne précisément sur les conditions de rachat de Whatsapp. Et puis d’une amende record de 5 milliards de dollars par la Federal Trade Commission pour la fuite de données du scandale Cambridge Analytica.

D’autre part, l’enjeu dépasse largement mes petites photos de pieds dans la mer, mes morceaux de mélodica ou mes selfies en string Borat. Il s’agit d’une société qui possède les données de plus de 40% des êtres humains et qui les vend à des personnes qui veulent avoir notre attention, notre “engagement”. Pour y aboutir, ils moulinent toutes les données évoquées plus haut, et les algorithmes décident ce qu’il faut nous afficher pour que nous restions le plus longtemps possible. Ils choisissent des milliards de contenus chaque seconde, chaque minute, chaque heure, chaque jour, tous les jours, qui maximisent l’émotion pour chacun de leurs 3,2 milliards d’utilisateurs.

Or, de nombreuses enquêtes le montrent, les contenus qui engagent le mieux sont les rumeurs, les conspirations, les infox, le racisme, les appels à la haine, qui par conséquent sont affichés plus fréquemment, ce qui permet à des groupes nuisibles de prospérer. Comme il est écrit dans The Age of Surveillance Capitalism, la question n’est même plus d’être transformé en produit d’un service gratuit mais d’être la cible d’une entreprise qui vend sa capacité à nous influencer, nous faire changer d’avis. Pour acheter des produits, mais pourquoi ce pouvoir s’arrêterait-il au consumérisme ? Que penser des campagnes politiques sur Facebook ? Jusqu’à quel point les ingénieurs maîtrisent l’impact de leurs algos sur les gens, le vivre ensemble ?

Alors quelles sont les alternatives ?

  • Telegram est l’alternative la plus proche avec des apps pour iOS, Android, chiffrement des messages de bout en bout, une version web, des groupes (jusqu’à 100 000 participants) et la plupart des paramètres sont à l’avantage de télégram. A noter que Télégram ne chiffre pas de client à client (sauf pour les “secrets chats”) mais de serveur à client. Ce qui signifie qu’ils ont accès aux conversations.
  • Signal voir cet article en français qui en parle. Signal est opensource, c’est un avantage de transparence. Il n’a pas de tracker. A noter aussi que, si comme moi vous n’avez pas les googles services, avec WhatsApp il n’y avait pas de notification en fond de tâche (il fallait que l’appplication soit ouverte à l’écran). C’est pas nécessaire pour pour signal.
  • Chatpril fournit également un serveur XMPP qui n’utilisera pas vos données.
  • Chat Delta est aussi opensource et utilise les protocoles mail pour fonctionner (IMAP et SMTP)
  • viber créé par une société Israélienne et racheté par la société japonaise Rakuten. Il assure le chiffrement de bout en bout, et a déjà un milliard d’utilisateurs (notamment dans les pays d’Europe de l’Est). En revanche, il a 10 trackers.

Et puis, il y a encore plein d’autres solutions comme celles répertoriées ici.

Si vous en utilisez une autre, et que vous voulez partager votre expérience, ça m’intéresse, je l’ajouterai.

Edit : cet autre article précise que depuis déjà 2016, Facebook récupère les données de whatsapp. Comme dit Evan Greer, sous-directeur du groupe pour les droits numériques Fight For The Future : “Je ne fais confiance à aucun produit de Facebook. Leur modèle d’affaire est basé sur la surveillance. Ne l’oubliez jamais.”. Mieux vaut tard que jamais.

Liens sur Facebook et la démocratie: