Résumé des deux précédents épisodes : les filles, très présentes dans l’informatique depuis le début ont été évincées par des hommes qui ont compris l’importance qu’allait avoir l’informatique. Leur nombre qui représentait 40% des emplois dans le secteur autour des années 70 va culminer à la moitié des années 80 pour décroitre fortement et durablement par la suite.

La fin des années 80, c’est aussi le moment où s’invente Internet: “le réseau des réseaux”.

Sur ce réseau mondial naissant, le cyberféminisme va apparaître de manière simultanée en plusieurs endroits de la planète, tel un virus spontané, inconnu, qui refuse de se définir et d’être catalogué, de rentrer dans la case d’une taxinomie nécessairement réductrice :

[le cyberféminisme] est basé sur l’idée de créer un label universel pour un discours interdisciplinaire à propos du genre. Cornelia Sollfrank

En Australie, à Adélaïde pendant l’été 1991 un collectif de femmes met en ligne “the cyberfeminist manifesto for the 21st century” un texte subversif où la pornographie “faite par et pour les femmes” est mélangée à de la technologie et l’envie de confisquer les jouets informatiques aux hommes pour les redresser de manière plus adaptée aux femmes.

Pendant ce temps, Sadie Plant, et Nancy Patterson, écrivaines et artistes respectivement britannique et canadienne, créent dans des article, en 1991, les bases du cyberféminisme visant la réappropriation des technologies de l’information par les femmes et l’utilisation de ces technologies pour lutter contre la culture patriarcale.

Puis de nombreux mouvements naissent sur internet dans tous les pays occidentaux, parfois appuyés par des protocoles différents comme par exemple l’initiative d’ECHO (East Coast Hang Out) créé par Stacy Horn. Il s’agissait d’un forum de discussion basé sur telnet. A la fin des années 80 seuls 10% des utilisateur·trice·s sur internet étaient des femmes, mais sur ECHO il y en avait 50%.

Extension du domaine de la lutte

Certains de ces mouvements voient le jour en dehors d’internet puis l’investissent dans un second temps. Le livre “The cyberpunk Fakebook” - St Jude, R.U Sirius, Bart Nagel mentionnent les Riot Grrrls! :

Riot Grrrls! These are fierce girls who like tech

C’est un mouvement musical punk né dans l’état de Washington, et qui s’implique dans l’art et les actions politiques. Ce mouvement dénonce les problèmes liés au viol, à la violence domestique, le sexisme, le racisme, et militent pour la montée en puissance des femmes. C’est Jude Milhan (alias St Jude) qui va déclarer dans une interview du magazine Wired “je pense que la tech va résoudre tous nos problèmes, les filles ont besoin de modems” en 1995. La campagne #metoo (ou #balancetonporc en francais) en 2017 émane de ces mouvements.

Geek Girl hyperzine (magazine en ligne) cyberféministe lancé par l’australienne Rosie Cross alias RosieX est toujours en activité depuis 1995. Nathalie Magnan traduit l’essai “cyborg manifesto” de Donna Haraway, et va diffuser cette culture en France. L’exposition Computer Grrrls lui est dédiée.

En 2013 des initiatives Edit-a-thon sont organisés par Art+Feminism pour corriger les biais présents dans wikipedia en défaveur de la représentation des femmes.

Ces luttes “féministes” vont bien au delà de la (re)valorisation des femmes dans l’informatique ou sur internet, elles sont aussi des luttes LGBT, ethniques ou sociales. Leur but est plus largement de favoriser les catégories sous-représentées sur la toile et au delà.

L’enseignement de l’informatique aux filles

L’enseignement de l’informatique ayant été phagocyté par les hommes, il est nécessaire de rétablir un équilibre pour que les femmes puissent être intégrées de manière durable et en proportion plus importante (pourquoi pas la parité ?) dans les métiers informatiques au sein des entreprises. Aujourd’hui il existe de nombreuses associations, de programmes et de groupes qui militent pour l’enseignement et la valorisation des compétences informatiques des femmes, sortir des préjugés et stéréotypes qui perdurent.

On peut citer par exemple :

  • Ada Tech School : “l’École Tech qui casse les codes” avec un manifeste qui vise à “+ de filles, + de confiance, + de sens”
  • le programme wifille qui se donne comme objectif de faire maîtriser les outils multimédia en particulier aux filles. Ils participent activement aux hashtags #becausegirlscan ou #womenintech sur les réseaux sociaux
  • Social Builder est une startup qui construit la mixité dans les métiers du numérique et l’entrepreneuriat. Ils ont des formations telles que “Women in AI” en partenariat avec Vivadata, “Women coding academy” avec le Wagon
  • Femmes@Numérique
  • Fréquence Écoles accompagne les pratiques numériques et met en avant par sa communication les femmes dans l’informatique (des stickers Ada Lovelace, Evelyn Berezin, Shirley Ann Jackson, Roberta Williams, Hedy Lamarr, Margaret Hamilton)
  • Les Coding Goûters sont des après midi de code en familles avec une absence de distinction de genre entre les participant·e·s.
  • Women Who Code (anglais) vise à rétablir une proportion identique à la population des femmes dans les dirigeants techniques, les exécutifs, les entrepreneurs, les inverstisseurs, les conseils d’administration, et les ingénieurs informaticiens
  • Après des débuts difficiles l’école 42 semble avoir revu sa politique de parité, et fait des efforts pour attirer des filles. Sophie Viger est la nouvelle directrice depuis un an.
  • Girls Can Code propose des stage d’informatique pour les collégiennes et lycéennes
  • Ladies of Code avec la déclinaison Française est une communauté de filles qui développent, se forment à la programmation et s’entraident. Des événements sont régulièrement proposés.
  • Girls In Tech est une organisation non gouvernementale américaine fondée en 2007 qui luttre contre les inégalités de genre dans l’informatique. Pour ça ils organisent des hackatons, bootcamps, pour fournir du support aux femmes dans la technologie.

Voila, cet article clôt ce retour en 3 parties sur l’exposition computer girrrls. Si vous avez des retours, des réflexions sur le sujet, des liens à communiquer, n’hésitez pas à commenter ou nous envoyer un message.

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