Mardi et mercredi 11 et 12 nous avons eu la chance de pouvoir participer à une formation gratuite en français chez /ut7 avec Alistair Cockburn. Voici ce que nous en avons retenu.

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Il y a toujours des personnes passionnées dans le mouvement agile. C'est suffisamment rare pour le souligner : des formations gratuites avec l'un des fondateur, hébergée gracieusement, ça ne court pas les rues. L'échange, le partage de moments, d'informations, de questionnements autour de ce thème continue d'intéresser, ça fait du bien.

Paradoxalement, des pionniers ont exprimé un certain spleen en observant une large adoption de l'agilité, noyée dans une soupe marketing indigeste loin de ses valeurs fondatrices. L'agilité est récupérée pour attirer des clients ou des développeurs, victime de son succès et d'absence d'alternatives devant la difficulté de réussir des projets informatiques. Pire, elle peut être utilisée de manière cynique en donnant aux équipes une autonomie de façade, moyen de les impliquer d'avantage et in fine de les faire travailler plus. Qu'elles soient prestataire ou client, ces en-général-grosses-boites  se foutent comme d'un post-it de l'objectif de l'agilité, à savoir (grosso-modo) apporter de la valeur de manière durable dans un environnement en évolution, en développant les individus.

Laurent Bossavit a une analyse intéressante s'appuyant sur les frontières ouvertes de l'agilité, entre la gestion de projet, le développement logiciel et le management. Le métier de l'agiliste et son territoire de légitimité sont mal connus, ce qui favorise les incursions d'autres professions, mais permet également de plus grandes possibilités d'adoption. Si le sujet vous intéresse voir le livre "The System of Professions" - Abbot 1988 (merci Laurent pour la référence).

La théorie

Mais revenons à la formation. La présentation d'Agile Avancée, selon Alistair, s'articule autour de cinq thèmes :

  • Artisanat
  • Gestion de flux
  • Eveil de Soi
  • Acquisition de connaissances
  • Jeu coopératif

Il nous a distribué une feuille A4 recto de modèles se rapportant à ces thèmes. Ce support est très dense et synthétise plusieurs ouvrages dont son livre "Agile Software Development: The Cooperative Game". La suite de la formation était une confrontation de nos expériences issues des ateliers avec ces modèles. L'idée étant d'étudier les pratiques et la théorie vécues par des humains (self-awareness).

practices theory self-awareness

Un modèle du thème Gestion de flux, inspiré du lean nous a interpellé. Il considère que l'ensemble des décisions d'une organisation constitue le stock à réduire. Pour fluidifier la chaîne de valeur, il faut localiser les goulots d'étranglement provoqués par une accumulation de décisions non actées.

Design = manufacturing if Inventory = Decisions
©Alistair Cockburn

Connaître ses défauts

Nous avons commencé par un atelier en groupe de 3 dans lequel nous devions répondre à la question :

pourquoi l'agilité est-elle moins efficiente que la cascade ou le cycle en V ?

"Je ne vois pas" n'était pas une bonne réponse selon Alistair. Nous avons apprécié ce contre-pied d'entrée de jeu, cette nécessité de faire une auto-critique avant d'aller plus loin. Pour les curieux, sont sorties entre autres réponses :

  • il y a plus de réunions avec plus de monde
  • répéter c'est coûteux
  • payer des gens autonomes et compétents coûte plus cher
  • la collaboration est plus difficile que le suivi d'un processus

Savoir découper fin

Nous avons pratiqué l'exercice du carpaccio autour du thème de l'acquisition de connaissance. Il s'agit de découper de manière la plus fine possible une expression de besoin en tranches démontrables, utiles et livrables à l'utilisateur. Nous devions ensuite coder nos histoires avec des itérations de 9 minutes, démo à l'appui. La manière qu'il a eu de présenter le problème nous a mis un peu de pression (portables fermés, silence, déballage des sujets sous blister, annonce du langage choisi par les binômes), et a avivé un esprit de compétition entre les binômes. Il a ainsi pu mettre un peu en évidence nos égos, et nous faire réfléchir avec cette question faussement naïve qu'il a posée lors de débrief :

qu'est-ce que vous avez à y gagner ?

La transmission d'idées c'est compliqué

Nous avons trouvé une autre source de réflexion en faisant l'atelier Draw this drawing game :

  • Former des groupes de minimum 3 personnes
  • Créer 2 rôles par équipe : les Artistes et les Donneurs d'ordres
  • 1 des Donneurs d'ordres sera le Messager, c'est à dire qu'il apportera les instructions aux Artistes
  • Les Donneurs d'ordres spécifieront un dessin à reproduire le plus fidèlement possible par les Artistes
  • Contrainte : Les Donneurs d'ordres sont séparés des Artistes et le Messager n'a pas le droit de parler aux Artistes. La communication se fera par indication purement textuelle

Nous l'avons fait trois fois de suite avec des images de plus en plus difficile à reproduire. Entre chaque session, nous avons eu 5 minutes pour discuter sur notre mode d'organisation. Lors de la dernière session, nous avons eu le droit de nous regrouper et parler sans indications gestuelles pour dessiner une photo de takoyaki explosé.

takoyaki explosé

Ce que nous en avons retenu ;

  • la difficulté de communiquer même en face à face
  • savoir être audacieux, quitte à être à la limite des règles (comme disait Alistair "don't be fired, don't go to jail, anything else is possible")

Le jeu de la corde

Petit intermède animé par Géry Derbier, nous avons fait un atelier d'animation/construction d'équipe : prenez quelques personnes (6-8), une corde fermée, demandez-leur de tenir la corde avec les 2 mains, puis de former une figure géométrique les yeux fermés et sans lâcher la corde (même avec une main) en 7 ou 8 minutes. Ex un carré à 6, un triangle équilatéral à 7. À la fin on pose la corde et on discute de ce qui s'est passé. C'est très intéressant de voir les dynamiques qui se mettent en place, les réflexions entre les participants.

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Cette formation de un jour et demi nous a donnée l'envie de sortir des limites qu'on s'était nous-même fixés, à l'image de l'engagement de non allégeance d'Alistair qui pousse à l'ouverture de toutes les écoles de pensées. Nous conseillons aux agilistes expérimentés cette formation qui dure 3 jours. Il conseille de la faire 3 fois afin de bien digérer le condensé théorique et d'expérimenter 3 fois les applications avec des personnes différentes.

Bruno et David